Leçon 06 _ EXPERIMENTER DES PEDAGOGIES A TRAVERS LES ARTS

JOUR 06
🕥 10 mn

Vous êtes fin prêts pour faire un pas de côté avec des artistes, engagés, prêts à vous accompagner dans vos projets. A la fin de cette leçon, regardez le film documentaire réalisé par Olivier Penaranda, sur l'aventure Migratory Musics, pour finir de nous convaincre de toutes ces expériences pédagogiques à travers les arts.


Contenu de la Leçon 5 inspiré des nombreuses expériences capitalisées du côté de Thessalonique (Coopérative artistique Synkoino Coop), de Bruxelles (Maison de la Création), de Bègles (Centre social et culturel Estey, INSUP Formation), de Athènes (EDRA) et de Cenon (Rocher de Palmer).



◤ POURQUOI ◥
c'est important d'expérimenter des pédagogies à travers les arts ?

  • Parce qu'un élève allophone n'a qu'une envie en arrivant dans une classe nouvelle : se sentir comme les autres, malgré la barrière de la langue. Les ateliers artistiques sont des outils fantastiques pour intégrer l'enfant dans une dynamique de groupe. Notamment des ateliers qui rendent possible une communication sans parole, entre enfants, entre enfants et enseignants. De nombreux ateliers fondés sur la reproduction et la mémorisation de gestes simples, sur des techniques de bodylangage, de théâtre social, de langue imaginaire, de chorégraphie, de chorale, de constructions d'architectures (lego, kapla), de peintures, d'arts visuels (etc.) existent. Quelques uns des ces outils sont rapidement présentés ci-dessous, autant d'exercices simples qui mettent en scène des réalités et des imaginaires qui nous stimulent.

  • Parce que les projets artistiques servent l'apprentissage des autres matières. Pour au moins 3 raisons : ils donnent confiance en soi aux élèves, ils créent du lien entre les enfants et les cultures que chacun véhicule, et, en plus, ils donnent le sourire ! Dans un atelier artistique, on a le droit de se tromper, de recommencer, d'essayer, de progresser seul et collectivement, en étant sans cesse encourager par le groupe et par l'artiste intervenant au côté du professeur. On s'entre aide pour atteindre tous un objectif commun : apprendre une chanson, une chorégraphie, une scène de théâtre, peindre une fresque, réaliser des affiches (etc.). Autant de processus et de productions qui nous ré-unissent : enfants, enseignant, artistes et parents (à inviter - au moins - au moment de la restitution)

  • Parce que les ateliers artistiques sont des très bon terrains de jeu pour "briser la glace" et permettre aux élèves, aux parents et aux enseignants de se présenter, autrement que par la parole. Dans une atmosphère créative et détendue où le jeu domine, chacun peut se présenter dans un autre contexte que celui de la classe ou la relation sachant / non sachant domine. Proposer un travail créatif pour se présenter les uns aux autres (dessins, jeux de cartes, mapmonde, ...) c'est d'emblée "mettre les élèves dans une lumière positive", c'est d'emblée "leur donner un pouvoir d'agir et de se faire entendre", "les sortir de leur quotidien" (dixit Timea KADAS PICKEL, Université Luxembourg) ... et tout cela fait du bien, autant aux élèves allophones qu'aux autres élèves, autant aux parents qu'aux enseignants.

  • Parce que la métaphore des 3 C existe ! Tout commence par le Corps, avant d'aller au Coeur, puis de remonter au Cerveau (merci Koldo VIO !). D'abord, on fait (Corps), puis on ressent (Coeur) et enfin on analyse (Cerveau). Et non l'inverse. Grace aux ateliers artistiques, on plonge dans un espace où on s'autorise des gestes et des sensations, en dessinant, en chantant, en dansant, en jouant ...  Un univers où il faut être "flexible et créatif" pour se faire confiance et faire un bout de chemin ensemble ... Dans ces moments là, "on ne juge pas l'autre, on reste dans notre bulle ensemble", on ose, on tente, on s'exprime, on se raconte, on se rencontre. A méditer, à expérimenter ! Le website WAAE (World Alliance for Arts in Education) est un réseau international qui regroupe de nombreuses ressources sur le sujet. 


◤ COMMENT ◥
organiser des ateliers croisant Arts et apprentissages ? 


Les illustrations présentées ici sont issues des workshop expérimentés par les enseignants, les animateurs et les artistes lors des formations MIGRATORY MUSICS. Autant de sources d'inspiration pour imaginer des petits exercices artistiques et ludiques dans la classe.








Nous avons suivi un atelier "Chant dans une langue inconnue" avec FATOUM (musicienne), qui accueille les enfants dans une langue étrangère (Berbère), que personne ne comprend. Ni les élèves, allophones ou pas, ni l'enseignant. A l'aide de sa gestuelle, de son langage corporel, de son regard expressif et de sa voix magique, les élèves et l'enseignant, finissent par comprendre ses consignes. Ils finissent par apprendre, à force de répéter, de sourire et de chanter, 1 ou 2 chansons, qu'ils pourront chanter tous ensemble. Ils auront tous été sur un pied d'égalité, enfants d'ici et d'ailleurs, avec la fierté d'avoir réussi à faire quelque chose de commun dans une langue étrangère à tous. Cette technique peut être transpoisée dans une classe, par un enseignant qui crée une langue imaginaire sur un air connu pour mener ce type d'atelier. Ou plus simplement en reprenant et en apprenant les chansons du CD Book de Migratory Musics, traduites en plusieurs langues (FR, GR et EN).







Noua avons suivi un atelier "Autoportrait" avec Marion COLLARD (photographe, plasticienne, médiatrice à la Maison de la Création). Elle anime des ateliers avec des enfants migrants, qui donnent lieu à une exposition d'autoportraits. La question centrale du Workshop est : "comment pouvez-vous exprimer votre identité ?" En dessinant à grands traits son visage, avec un crayon dans une main, un miroir dans l'autre, on obtient un auto portrait dessiné. Que l'on peut compléter, colorier, illustrer. En découpant des éléments de ce dessin (yeux, bouche, moitié du visage ...) pour les coller sur une photo de son visage éditée en amont, on obtient un "autre soi", un joli collage, qui préserve l'identité des mineurs tout en valorisant leur créativité. Intelligent, créatif et transposable dans sa classe.  





Noua avons suivi un atelier "création d'affiches" avec Lucille GAUTHIER (illustratrice, France). Ciseaux, bâton de colle, magazine usagers, papier calque, crayon gris, feutres de couleurs  ... c'est parti. Les élèves découpent des motifs et des personnages pour composer un premier tableau (feuille A3) sur un thème préalablement défini en lien avec l'actualité de la classe ou de la ville ! Une fois l'exercice réalisé, on pose un papier calque sur cette première composition, pour reproduire les contours du "tableau" sur une feuille blanche, à colorier ou pas, pour livrer une seconde version de sa composition. Cette activité propose une atmosphère calme pour tous. Elèves, allophones ou pas, et enseignants, où tout le monde peut dessiner ... sans savoir dessiner ! A transposer pour créer avec les élèves l'affiche de la Kermesse, d'une fête dans l'école ou dans la ville.







Nous avons assisté à un atelier "théâtre improvisé" avec l'école pour adultes CHOM'Hier à Bruxelles, où des adultes étrangers apprennent le français, les mathématiques, l'informatique et le théâtre ! Venant de pays différents, le théâtre a constitué un très d'union entre eux et entre les apprentissages, d'une matière à une autre. Grâce au théâtre, ils ont osé.  Ils ont osé être imaginatif, être eux-mêmes. Ils ont gagné en confiance avec de plus en plus de facilité à parler, à avoir une conversation. Le théâtre devrait être obligatoire en salle de classe ! Chaque scène (5 mn max) est travaillé à partir d'une situation donnée par l'enseignant ("par exemple : "j'ai envie de regarder un film à la télé ce soir") qui doit créer un échange, une histoire, entre 2 personnages (par exemple : la maman et l'enfant) avec une règle chère à l'improvisation et au thèâtre : le conflit. Il faut répliquer, dire le contraire de l'autre avec quelqu'un qui veut quelque chose à l'opposé de ce que souhaite l'autre personnage. "La scène t'oblige à parler" ("l"urgence du plateau" selon Pascale BINAIRE)








Nous avons suivi des ateliers "Foulards" avec Koldo VIO à Bègles. On sort un sac de foulards de couleurs, ou de bouts de cordes, que l'on répartit par groupes. On constitue 4 groupes au départ. Chaque groupe fait un dessin au sol en mettant bout à bout les foulards. Chacun a le droit de bouger et re-bouger un ou des foulards pendant 5 mn. Au final, le groupe se met d'accord sur un premier "tableau", qui reste une image abstraite. En tournant autour de l'image au sol, on change de point de vue. On commente (à quoi ça ressemble pour toi ?). On recommence en associant 2 groupes 2 à 2. Nous avons plus que 2 groupes, avec pour chacun d'entre eux 2 fois plus de monde et de foulards. Meme exercice pendant 5 mn. Enfin, on regroupe tout le monde en un seul groupe ! "C'est une expérience positive du conflit" et de "création collective" qui crée une dynamique dans la classe.






Nous avons écouté Martha KATSARIDOU (Synkoino Coop) nous parler du "Théâtre Social". De toutes ses méthodes au service d'une éducation inter culturelle. Il existe plusieurs formes de Théâtres éducatifs et socials : Théâtre de l'opprimé, Théâtre forum, Théâtre communautaire, Théâtre documentaire, Performance ... Nous avons expérimenté avec Martha  des "Frozen Pictures", des scènes fixes où les acteurs figent une situation, comme s'ils étaient transformés en statut. A partir d'un sujet, un petit groupe (5) imagine une scène, où chacun joue un personnage. Fixe et silencieux, comme une statut. Les autres groupes cherchent à comprendre. En touchant les "statuts", les acteurs expliquent leur personnage, en répondant par oui ou non, aux questions posées. Un des maitres du "jeu pour acteurs et non acteurs", Auguste BOAL, créateur du Théâtre de l'opprimé, résume la philosophie de ces projets qui cherchent à impliquer les personnes par le jeu : "Nous sommes tous acteurs, être un citoyen, ce n'est pas vivre en société, c'est la changer". C'est pourquoi, le théâtre social dans toutes ses écoles et ses techniques est un terrain de jeu fantastique pour faire vivre des expériences collectives dans une classe.






Nous avons suivi des ateliers "Jeux et expression corporelle" avec Nicoletta GKOUNTA à Thessaloniki. Des ateliers sans parole où tout repose sur le mimétisme et la reproduction de gestes. Tout commence par des exercices de respiration et de relaxation à base de mouvements doux des chevilles, des coudes, des hanches, des mains, de la nuque ... Puis, on passe à un chant à reprendre à base d'oménatopées, en modulant les intonations et en rajoutant des syllabes au fur et à mesure : "bibibi ... lililili ... bumbumbum". Puis, on chante ce refrain en rythme en tapant la mesure avec le pied, puis en claquant des doigts. Nicoletta nous apprend aussi un exerce de mémoire et de concentration : on reproduit ses mouvement. 4 gestes possibles : claquement de doigt, tapez le pied par terre, batrre sa poitrine, taper sa tête. L'enseignant se lance dans une combinaison, avec un mouvement que les enfants reprennent, puis un autre, puis un autre, etc. Par exemple : clac des doigts, puis clac des doigts et poitrine, puis clac des doigts, poitrine et tete, puis clac des doigts, poitrine, tete et tete, etc.







Les enfants (8-10 ans) ont suivi des ateliers "comptines et berceuses du monde" imaginés par Aurélia COULATY dans le cadre de Migratory Musics. A Thessaloniki dans la classe de M. Filippos (Tentolouris / Ecole Menemeni) avec la musicienne Nicoletta Gkounta. A Bruxelles, dans la classe de Mme Kawthar (Azzam / Ecole Fondamentale de Bruxelles 2) avec la musicienne FATOUM et la réalisatrice sonore Florence Aigner (Taraxacum). A Bègles dans la classe de Mme Zohra (Ouhabaz / Ecole Marcel Sembat) et dans la classe de Mme Emilie (Pineau / Zcole Ferdinand Buisson) avec les musiciens de la Cie MOHEIN (Adèle Docherty et Nico Lescombes) et Anne Lafargue. A découvrir l'esprit de ce projet européen dans la leçon 07 en regardant (video), en lisant (livre) et en écoutant (podcast, interview, chansons) les productions de Migratory Musics. Comme dirait Mme Kawtar, à la fin du projet les enfants "n'étaient plus timides, ils étaient fiers de chanter leur chanson, fiers de leurs origines, fiers de ce qu'ils ont accompli. Les voir chanter en d'autres langues, c'est formidable. Je me disais que jamais un roumain ne va chanter en arabe, en plus avec la bonne intonation, les bons mots, c'était bluffant, c'était magique ... c'était un projet magique". Merci à vous toutes, à vous tous : enfants, parents, enseignants, artistes, animateurs, médiateurs, coordonnateurs, spectateurs ... acteurs !


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▶▶▶ A SUIVRE ... Leçon 07 : Découvrir les productions de Migratory Musics




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